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Un problème en attire un autre

Indiscipline isolée ou recherche d’identité qui tourne au vinaigre?

MLS: Philadelphia Union at Montreal Impact
Romell Quioto quitte le terrain suite à son expulsion hâtive à Harrison, au New Jersey.
Dennis Schneidler-USA TODAY Sports

Cette fameuse identité... Depuis l’ère des vétérans aguerris, L’Impact de Montréal, ne l’a toujours pas trouvée. Lors des moments plus sombres, le groupe pouvait s’apaiser grâce à la sagesse de Patrice Bernier, la hargne d’Hassoun Camara, la classe de Nacho Piatti ou l’aura de Didier Drogba. Le sport étant ce qu’il est, ces monuments ont quitté le club pour laisser place à une nouvelle vague de joueurs, recrutée en grande partie par Rémi Garde. Le pilote français, de son propre aveu, cherchait à diriger une équipe pragmatique et professionnelle. Les recrutements ont évidemment été dans ce sens. L’idée était d’amener en sol montréalais des joueurs qui feraient briller le collectif et qui moduleraient leur propre personnalité sportive autour d’un système de jeu commun. L’indiscipline passée n’avait plus sa place, et ce, dans tous les champs de pratique de ses hommes.

Plusieurs joueurs ont rapidement eu à s’adapter. L’hygiène de vie des athlètes sous Rémi Garde n’avait pas de prix. Les camps préparatoires en Floride, où les Montréalais étaient soumis à du conditionnement physique hors norme, illustraient la mentalité que le staff cherchait à instaurer. Les pierres d’assises du nouveau régime étaient fermes et directives. Cela dit, le plus gros changement apporté par l’ancien entraîneur-chef a été la discipline au sens sportif du terme. En 61 matchs sous Rémi Garde, le bleu-blanc-noir s’est vu décerner seulement 92 cartons jaunes et 6 rouges. Aucun joueur n’a vu rouge suite à un deuxième carton jaune entre mars 2018 et août 2019.

MLS: Los Angeles FC at Montreal Impact
Victor Cabrera est expulsé au Stade Saputo lors de la première visite du LAFC, en avril 2018. Il s’agissait d’un carton rouge pour avoir anéanti une occasion évidente de marquer, à la 31ème minute.
Jean-Yves Ahern-USA TODAY Sports

L’effet pervers du pragmatisme et de la discipline peut toutefois causer d’importants torts à un groupe d’athlètes. Lors de la saison 2019, bon nombre de joueurs ont vu leur engagement et amour du blason questionné. Le peu d’implication physique lors de matchs a été pointé du doigt et est devenue une tendance inquiétante auprès des partisans. Certes, l’Impact terminait la grande majorité de ses matchs à égalité numérique, mais qu’en était-il de l’effort? Remi Garde, à plusieurs reprises dans les mois qui ont précédé son congédiement, questionna ouvertement le désir et l’envie de ses hommes. Pourtant, ce décorum était l’identité recherchée à la base. La faute ne pouvait être placée uniquement sur l’entraîneur. L’attitude collective demandée était intéressante, mais ne réussit pas a générer l’émotion nécessaire pour gagner des matchs dans les tranchées et arracher des victoires où chaque fibre du maillot était mouillée. Le groupe en place n’a jamais répondu de façon efficace et chronique au message.

Le changement de direction de l’Impact, sans le dire ouvertement, a emmené le club vers une tangente bien différente. Olivier Renard et Thierry Henry ont vu s’insérer dans leur effectif des joueurs avec des profils sportifs différents, mais ayant des profils psychologiques assez similaires. Un effort semble avoir été mis en place pour recruter des hommes plus émotifs, impliqués, teigneux, voire revanchards. Victor Wanyama avait la réputation d’être très physique même en Angleterre, ligue reconnue entre autre, pour ses contacts au corps. Romell Quioto, à Houston et en équipe nationale, avait déjà démontré un côté explosif à sa personnalité, mais combien utile lorsque bien canalisé en situation de match. Joel Waterman avait, en Canadian Premier League, vu cinq cartons jaunes et un rouge en 25 parties, le plaçant dans les meneurs au niveau des statistiques. Les recrues Luis Binks et Emanuel Maciel, avaient été vantés pour leur caractère et leur penchant pour le jeu robuste.

MLS: Montreal Impact at Vancouver Whitecaps FC
Luis Binks et Victor Wanyama au duel. L’implication physique des deux anciens de Tottenham fait partie intégrale de la nouvelle identité du club.
Anne-Marie Sorvin-USA TODAY Sports

Les premiers matchs de Thierry Henry lui ont donc permis d’admirer l’envie de son groupe lors des éliminatoires de la Ligue des Champions de la Concacaf. On sentait un groupe revigoré et affamé sur le terrain. Le début de la saison MLS pré-COVID n’en était que la suite logique. À Orlando, par contre, lors de la reprise des hostilités, le pilote du club a questionné publiquement le désir de compétition de ses hommes. Il s’attendait à voir son équipe beaucoup plus émotive et impliquée, se refusant d’être une équipe facile à affronter. Le problème a été adressé promptement, ce qui apporta aux joueurs des éloges de la part des observateurs. On a notamment louangé la grinta de Romell Quioto ainsi que l’agressivité de la paire Camacho-Binks. Les quatre milieux de terrain réguliers (Saphir Taider, Samuel Piette, Emanuel Maciel et Victor Wanyama) n’y ont pas échappé, eux qui ont récupéré un nombre élevé de ballons depuis leur utilisation régulière en quatuor. L’identité commençait à prendre forme, lentement mais sûrement.

L’histoire nous amène donc au 13 septembre 2020, au BC Place à Vancouver. Emanuel Maciel tacle par derrière Cristian Dajome alors que le bleu-blanc-noir a le vent dans les voiles. Une expulsion complètement inutile pour un geste tout aussi inutile. Trois jours plus tard, Dajome tacle dangereusement Rudy Camacho qui reste au sol. Fredy Montero s’approche du défenseur montréalais et lui suggère de se relever. Le Français réplique avec un coup de poing au genou de son adversaire, qui lui vaut une expulsion. Le 20 septembre, au Red Bull Arena, l’Impact mène 1-0 lorsqu’à la quinzième minute, Romell Quioto, après avoir essuyé un tacle assez bénin, lance un coup de coude derrière la tête de Mark McKenzie. Il sera le troisième joueur en une semaine à voir rouge, le deuxième en première demie d’un match où le onze montréalais était en plein contrôle.

MLS: Montreal Impact at Vancouver Whitecaps FC
Rudy Camacho frappe Fredy Montero, suite à une altercation anodine. Il sera expulsé par Drew Fischer quelques moments plus tard, clouant du même coup le cercueil de l’Impact pour le Championnat Canadien 2020.
Anne-Marie Sorvin-USA TODAY Sports

Depuis, les critiques fusent de partout. Elle sont légitimes d’ailleurs. Toutefois, il est important de mettre en contexte où nous en sommes dans le temps, non seulement sous le règne de Thierry Henry, mais également dans l’histoire du club. L’entraîneur-chef n’en est qu’à ses débuts avec l’Impact, lui qui avait une mentalité à changer. Les années précédant son arrivée ont été tapissées de performances maussades où la foule du Stade Saputo semblait plus émotive que certains acteurs portant les couleurs du club. L’électrochoc, autant au niveau sportif que marketing était inévitable. La problématique ici est que, dans le feu de l’action, lorsqu’on sollicite les émotions de certains humains, une réaction rationnelle ne peut être garantie. Sachant qu’une décision rationnelle est inversement proportionnelle à l’émotion générée, c’est à se demander si les Montréalais n’ont pas poussé le concept trop loin? L’Impact semble avoir pêché dans l’excès d’émotion récemment, un peu comme ils l’avaient fait au niveau du pragmatisme, il y a quelques années. Tout entraîneur ayant vécu de telles situations dira toutefois qu’il est plus facile de canaliser l’émotion de ses athlètes que de tenter d’en injecter au sein d’un groupe désabusé.

Il s’agit sans aucun doute d’un problème que Thierry Henry aura à régler rapidement. Il est impensable que l’Impact puisse performer lorsqu’il se retrouve en désavantage numérique pour d’aussi longues périodes. Le bémol ici est qu’il s’agit d’un problème intéressant pour le pilote français, car il s’incruste fermement dans le chaos de la recherche d’identité. Il a sous la main un groupe explosif mais qui s’offre comme un contraste important avec le groupe précédent. Le travail d’un entraîneur de nos jours est beaucoup plus psychologique qu’il ne l’était dans le passé. Cela dit, les bases commencent à prendre forme pour Thierry Henry au niveau tactique, mais également au niveau de l’attitude collective. À très court terme, les incidents de la dernière semaine peuvent paraître absurdes, mais une partie de Thierry Henry doit se voir rassuré d’avoir à canaliser des excès alors que d’autres entraîneurs auraient sans doute rêvé d’une étincelle occasionnelle...