clock menu more-arrow no yes mobile

Filed under:

S’imposer ou s’adapter?

Comment bâtir un système de jeu gagant?

MLS: Montreal Impact at Orlando City SC
Rémi Garde a démontré sa flexibilité tactique depuis son arrivée en novembre 2017.
Matt Stamey-USA TODAY Sports

Cette question semble existentielle et ce, tout sport confondu. Lorsqu’un entraîneur arrive à une nouvelle équipe et prend connaissance du profil des joueurs qu’il a sous la main, il doit commencer à imaginer un schéma tactique qui fera gagner son équipe. Dans le monde cruel qu’est le sport professionnel, on sait qu’un entraîneur est jugé presque uniquement par ses victoires et ce nombre est souvent en corrélation directe avec la durée du règne de l’entraîneur à la barre de son équipe. Sachant cela, trouver une recette gagnante devient rapidement une priorité. Mais comment? Imposer son système de jeu et récompenser les joueurs qui s’y adapteront ou disséquer son équipe et surtout ses vedettes pour créer à partir de leurs forces et faiblesses un système de jeu où ils sauront s’épanouir?

Pendant plus de vingt ans, Sir Alex Ferguson géra Manchester United, gagnant au passage plusieurs fois la Premier League, la FA Cup et la Ligues des Champions. Pourtant, lorsqu’on porte attention au système de jeu en général, il était assez simple et accessible à tous. En fait, il préconisa le 4-4-2 durant la grande majorité de son temps, mettant en place des ajustements tactiques au besoin, toujours sans déroger de son plan de base. Il s’agissait d’un milieu de terrain où les ailiers avaient le loisir d’interchanger de côtés à leur guise pour déstabiliser le défenseur au marquage. Bien qu’ils jouaient à 4 joueurs à plât, un milieu de terrain central avait la responsabilité d’être la porte de sortie en possession pour les défenseurs lorsque mal pris, tandis que l’autre se devait d’appuyer l’attaque à tous moments. Roy Keane et Paul Scholes peuvent servir d’exemple dans ce présent cas. Les défenseurs latéraux se devaient d’être capables d’appuyer l’attaque par des débordements (overlap) lorsque le marquage devenait serré sur l’ailier en possession.

Manchester United’s manager Sir Alex Ferguson (L)
Sir Alex Ferguson, considéré comme un des plus grands entraîneurs de tous les temps, donne des instructions à David Beckham lors d’un match à Old Trafford en 2002.
Photo credit should read Odd Andersen/AFP/Getty Images

Cela dit, la tentation aurait pu être au rendez-vous à plusieurs reprises de modifier son système de jeu pour accomoder une ou l’autre des vedettes qu’il a eu sous la main durant ses 26 ans à la tête de son équipe. Il résista cependant à cette tentation et les ajustements furent en réponse à des situations bien précises et non à la venue d’un nouveau talent. Par exemple, durant la finale de la Ligue des Champions en 2008, Ferguson utilisa Cristiano Ronaldo sur l’aile gauche et Owen Hargreaves en tant qu’ailier droit, position qui était inconnue pour le Canadien jusqu’à ce jour. L’idée était d’utiliser un milieu central/récupérateur de plus pour emboîter les talents adverses en le positionnant vers l’intérieur du terrain tout en ayant un joueur responsable et efficace défensivement près de son défenseur latéral. Le jeu en possession de ballon penchait bien évidemment vers la gauche où Ronaldo était positionné, mais défensivement, United réduit Chelsea à 41% de possession et beaucoup de tirs en prériphérie. Man Utd remporta la Ligue des Champions cette année là et Ferguson passa pour un génie au niveau tactique, non pas en ayant changé son système de jeu du tout au tout, mais en ayant apporté les ajustements nécessaires lorsqu’il le fallait.

Hargreaves positionné comme ailier droit dans le système 4-4-2
Wikipedia

Il est donc évident que le système de jeu préconisé par Sir Alex était imposé à ses joueurs et, les quelques-uns qui n’étaient pas intéressés à travailler dans ces conditions connurent de courtes carrières en tant que Red Devil.

À l’opposé, José Mourinho était bien différent dans la manière. Lors de la fenêtre des transferts, il a souvent cherché à acheter, surtout lors de ses bonnes années à Chelsea, les meilleurs joueurs au monde disponibles. Cette mentalité a fait en sorte de rendre l’entraîneur très flexible au niveau de sa gestion des joueurs, tentant toujours de trouver une place dans son effectif pour les arrivants. Lors de son passage à Chelsea, on a vu Mourinho utiliser beaucoup de systèmes de jeux différents. Durant les années Drogba, le système pouvait à certains moments s’apparenter au système anglais de longues balles, mais lors du même match, changer du tout au tout vers des combinaisons courtes au milieu de terrain pour aspirer l’équipe adverse vers le ballon et libérer les ailiers et défenseurs latéraux qui ont trouvé l’espace libre. Mourinho était aussi avant-gardiste dans sa gestion de son banc, effectuant à plusieurs reprises lors de parties importantes des changements de personnel et de système de jeu en première demie. Didier Drogba fait d’ailleurs l’éloge de l’entraîneur Portugais dans son livre et plusieurs anciens joueurs de Mourinho ont complimenté sa proactivité et sa capacité d’adaptation tactique. Il s’agissait ici d’un entraîneur beaucoup plus enclin à s’adapter à ses joueurs.

JOSE MOURINHO
Jose Mourinho, en 2005, en compagnie de l’ancien joueur de l’Impact Didier Drogba.
Photo by David Ashdown/Getty Images

En tranversant l’Atlantique, on peut poser les yeux sur Rémi Garde et le travail qu’il a fait notamment avec Nacho Piatti et Saphir Taïder, ses deux joueurs désignés. Garde semble réellement tenter de libérer Piatti du marquage des équipes adverses. Pour ce faire, il a approché Saphir Taïder de l’Argentin pour forcer les équipes adverses à avoir à penser à Taïder lorsqu’ils marquent à deux et même parfois à trois joueurs Piatti. De plus, en utilisant Lovitz en dédoublement, il tente d’agrandir la boîte de joueurs de l’équipe adverse qui restent en marquage sur Piatti. Le système 4-3-3 préconisé par Garde est intéressant dans ce sens étant donné qu’il laisse de la liberté de mouvement à Piatti et le libère aussi de responsabilités défensives. Le travail de récupération de ballon est réservé surtout aux trois milieux de terrain qui ont les qualités pour contrer les attaques adverses. Ce qui est intéressant de noter ici est que Rémi Garde semble être sorti de sa zone de confort pour adapter son système de jeu à Nacho étant donné qu’il n’avait jamais au préalable utilisé le 4-3-3 avec régularité. Lors de ses années à Lyon et Aston Villa, il préconisa surtout un 4-4-2 où il interchangeait par moments entre les quatre milieux à plât ou le milieu en diamant. On l’a vu aussi utiliser le 4-2-3-1 lorsqu’il voulait ajouter un homme dans l’axe et réduire l’espace entre les lignes. Ce n’est donc pas étonnant que lorsque Piatti s’est blessé à long terme, Garde changea son système vers la défense à 5, son système originel étant bâti autour de ses deux joueurs vedettes.

Aston Villa v Arsenal - Premier League
Rémi Garde, durant son court séjour à Aston Villa en Premier League, en action contre Arsène Wenger. Garde qualifie d’ailleurs Wenger de son mentor.
Photo by James Baylis - AMA/Getty Images

S’imposer ou s’adapter? À cette question, il ne semble donc pas y avoir de réponse définitive. La dure réalité d’un métier d’entraîneur professionnel est qu’ils sont engagés pour être congédiés. La seule chose qui semble les éloigner de la porte de sortie est le nombre de victoires et de trophées qu’ils sont capables de placer dans les cabinets de trophées du club. Au terme de leur règne, c’est exactement ce qui leur diront s’ils ont bien fait de s’adapter ou de s’imposer.